La Fondation Dosne

La fondation Dosne

Des valeurs de solidarité et de respect

La Fondation Dosne est une association à but non lucratif (loi 1901) reconnue d’utilité publique. La fondation a été créé en 1906, financée grâce au legs de sa bienfaitrice Félicie Dosne (1823-1906).

DEPUIS 1906

Mission

Depuis 1906, la Fondation Dosne mène une mission de générosité en administrant et gérant la Retraite Dosne. Elle veille à sa pérennité financière et adapte ses statuts en fonction de l’évolution de la société. Elle décide et met en œuvre les travaux de rénovation et d’agrandissement de la résidence. Elle dirige l’organisation de la maison de retraite.

À l’origine, Félicie Dosne avait la volonté de créer une maison destinée à accueillir des dames, filles ou veuves de militaires ou de hauts fonctionnaires, avec une attention particulière pour celles ayant subi des revers de fortune. Son objectif était d’offrir à ces dames un foyer digne, hospitalier, confortable, élégant et protecteur pour leur permettre de vivre paisiblement leur grand âge.

La Retraite Dosne est un modèle pionnier dans la nouvelle définition de ce qui est appelé aujourd’hui une «Résidence autonomie». Pendant plus de cent ans d’existence, la fondation a procédé à différents ajustements de ses statuts. Ainsi la Retraite Dosne, sous l’impulsion de ses Présidents successifs, s’est sans cesse modernisée, professionnalisée, agrandit, adaptée à la société et à ses évolutions, ouverte aux hommes et à d’autres personnes que celles issues d’un milieu militaire. Aujourd’hui, la résidence Dosne est une résidence autonomie moderne et mixte, ouverte vers l’extérieur.

Le conseil d’administration

Il est composé de 9 administrat.rices.eurs.

Président : Monsieur Vincent Bazin

Vice-Président : Monsieur Xavier Gorge

Trésorier : Monsieur Bernard Scheidecker

Membres du conseil d’administration : Mesdames Isabelle Commergnat et Laure Guinet. Messieurs Jean Calmon, Pierre Gaboriau, Olivier Hoebanx et Pierre Wolff (Commissaire du gouvernement). Monsieur Bernard Vergne intervient auprès du Conseil en tant que conseiller.

Directrice de la Fondation :

Mme Emmanuelle Planté

La fondatrice

Extraits du livre « Histoire de la Retraite Dosne – L’œuvre de Melle Félicie Dosne

Après la mort de sa sœur, en 1880, Félicie ne s’isole pas complètement et sait s’entourer de de ses amis de toujours comme François-Auguste Mignet et Barthélemy Saint-Hilaire mais aussi de nouveaux venus que l’on peut croiser dans son salon, M. Doniol, le général Billot, M. Georges Picot, M. le Dr Évariste Michel, M. Robert Calmon-Maison, M. Bardoux… Certains d’entre eux deviendront ses exécuteurs testamentaires et les premiers administrateurs de la Retraite Dosne. Mais le plus vieil ami de Félicie, Mignet, disparaît quatre ans plus tard, le 24 mars 1884, et emporte avec lui la mémoire de la famille.

À la fin de sa vie, Mlle Dosne se sent seule dans l’hôtel de la place Saint-Georges qui lui paraît bien vide, trop grand : « […] elle restait confinée dans les appartements donnant sur le jardin, en compagnie de miss Emma Hallworth, fidèle compagne depuis de nombreuses années ou M. Aude. Ces appartements où elle avait passé le meilleur de sa vie lui paraissaient sombres et augmentaient sa tristesse […]. Elle ne pouvait plus rester dans cette maison où elle avait été si heureuse, et où maintenant la solitude lui pesait. »

Elle décide alors de construire sur des terres lui appartenant à Passy, tout près de la Fondation Thiers, un hôtel dont l’architecture sobre lui rappellera sa demeure de style palladien place Saint-Georges. Il serait niché dans un somptueux jardin, un parc qui allait faire les délices de Félicie. Planté de nombreux arbres, entre lesquels serpentent des allées, il comprend un potager, une roseraie et des serres chauffées près de la loge du concierge.

L’hôtel s’élève sur une cave et un sous-sol, il comprend deux étages, couvert d’un toit en zinc percé d’imposantes lucarnes. L’hôtel est conçu sur le modèle parisien traditionnel entre cour et jardin. Quelques degrés donnent accès à la porte d’entrée, le perron est protégé par une marquise. Le corps de logis central se prolonge par deux pavillons en avancée sur la cour. Sur le côté, une véranda est bordée d’arbres et de fleurs. L’ensemble du décor est sobre et d’esprit néo-classique :  les fenêtres du rez-de-chaussée sont décorées de frontons, du côté jardin. La façade est cependant ornée de frises de guirlandes au-dessus des portes-fenêtres, des éléments propres au style Louis XVI.

Le vestibule s’ouvre sur un grand escalier ; le rez-de- chaussée se compose d’une enfilade de pièces : la salle à manger qui donne sur une véranda, un petit salon décoré du buste de Mme Thiers en marbre bleu et de tableaux d’écoles diverses, espagnole ou hollandaise dont une peinture attribuée à Gérard Dou. Le grand salon avec vue sur le jardin est très richement décoré : un tapis de la savonnerie, des objets décoratifs chinois, japonais dont des laques, au mur, le portrait de M. et Mme Thiers par Bonnat. Le sous-sol comprend la cuisine, l’office, le garde-manger, des caves pour entreposer le bois, le charbon, le vin, les équipements de chauffage. L’escalier conduit au premier étage où Mlle Dosne possède sa chambre. Elle fait aménager un ascenseur pour lui en faciliter l’accès, cette commodité est un luxe dont peu de demeures privées disposent à cette époque.

Mlle Dosne s’y installe définitivement en juillet 1900 et fait venir des meubles de la place Saint-Georges, en particulier le grand portrait de Madame Thiers. C’est alors qu’elle donne à la Bibliothèque nationale les papiers de Thiers qu’elle a conservés jusqu’alors.

Commence alors pour Félicie, dans sa nouvelle demeure de la rue Bugeaud, une vie retirée et calme, riche de souvenirs. Elle vit désormais de manière très frugale presque comme un ascète : « Depuis plusieurs années déjà, Mlle Dosne ne vivait que de lait ; sa faiblesse était extrême, puisqu’elle ne prenait aucune nourriture. Elle sortait quelquefois en voiture pour prendre l’air […] Dès qu’elle ne put plus sortir, la faiblesse s’accentua. » Elle ne se coupe pas complètement du monde. Ses amis ne la délaissent pas et lui rendent de fréquentes visites ; elle lit la presse et commente l’actualité avec eux. Elle porte aussi beaucoup d’intérêt à son jardin.

Sa passion des livres est toujours là. En 1902, elle fonde, à la faculté d’Aix-en-Provence, un prix Thiers de trois mille francs pour récompenser un ouvrage sur la Provence. En 1903, elle décide du sort de son hôtel de la place Saint-Georges en créant une bibliothèque dédiée à « l’histoire moderne et contemporaine ». Elle fait part de son intention à Félix Chambon. Pour mener à bien son œuvre, elle s’entoure de collaborateurs qui sont aussi des amis : M. de Veyran, M. Aude, son architecte, M. Jacquet, un menuisier et installe la bibliothèque. « À la fin de décembre, les premiers rayonnages étaient placés, les premiers livres timbrés, classés, et le catalogue sur fiches commencé par M. Aude et l’excellent  […]  secrétaire de Mlle Dosne, M. Herbert. » Enthousiaste, elle ne ménage pas sa peine et se rend chaque jour place Saint-Georges pour faire avancer son projet dans un lieu qui lui rappelle sa vie passée auprès ceux qu’elle a aimés.

Pour enrichir le fonds de la bibliothèque, elle achète un grand nombre d’ouvrages : « Elle achetait pour “la place Saint-Georges” livres et manuscrits et elle regrettait même maintenant d’avoir abandonné cet hôtel qui devenait pour elle un but recherché de promenade. » Elle s’engage totalement dans ce projet, participant elle-même aux différentes opérations de catalogage, classement : « […] on ne parlait que rayons à clavettes, rondage, timbrage, catalogue alphabétique, etc. » Lorsque M. Aude décède le 20 mai 1905 (en amie fidèle et généreuse, elle assume tous les frais liés à son enterrement et règle également la note de médecin adressée à son épouse), elle continue ce travail de catalogage avec M. Herbert. Malheureusement, peu de temps après, elle tombe malade, affaiblie par une bronchite, elle ne peut plus se rendre place Saint-Georges aussi régulièrement.

« Au mois de juillet, il lui vint au doigt un panaris auquel tout d’abord on n’attacha pas grande importance. » Sa santé se dégrade, en août, elle fait appel aux sœurs Oblates du Cœur de Jésus (rue de Sèvre) afin qu’elles viennent chaque nuit à l’hôtel. « De retour à Paris, ma première visite fut pour elle.   Je la trouvai sur une chaise longue, dans sa chambre à coucher. Elle avait encore maigri, sa figure s’allongeait et s’amincissait, elle m’annonça qu’elle pressait la rédaction de l’acte de donation : je compris aussitôt qu’elle était perdue. C’était en effet un panaris sénile qui était survenu, conséquence d’une altération irrémédiable du cœur, qui faisait des progrès rapides. Il ne fallait pas songer à une intervention chirurgicale : on ne pouvait qu’assister, impuissant, à une lente agonie. »

C’est pendant l’hiver 1905-1906 que le projet de la bibliothèque de Mlle Dosne arrive à sa conclusion. En effet, le 3 janvier 1906, dans un acte rédigé par Me Bazin l’Institut de France accepte la donation de l’hôtel, 27 place Saint-Georges, des revenus des maisons n° 12 et n° 14 rue d’Aumale, et du 37, rue Saint-Georges pour un montant évalué à cinquante-quatre mille sept cent trente et un francs de rente. M. Édouard Detaille, le président, prononce ce discours : « Mlle Dosne a toujours été frappée de l’insuffisance des bibliothèques de Paris, de la difficulté qu’éprouvaient les personnes studieuses à y trouver place, à y rencontrer pour leurs études, avec des ressources très larges, le calme qui convient aux longs travaux, et il lui semble qu’une bibliothèque consacrée à l’histoire moderne, et à l’histoire de France spécialement, occuperait dignement l’hôtel où M. Thiers a poursuivi ses grands travaux d’histoire… sous le nom de Bibliothèque Thiers. Fondation Dosne. » Malheureusement, la santé de Félicie se dégrade de plus en plus, malgré les soins du Dr Gaume et du Dr Évariste Michel. Le 16 janvier, après avoir reçu les derniers sacrements du curé de Saint-Honoré-d’Eylau, elle s’éteint à 11h10 du matin, entourée de ses amis et fidèles serviteurs : le Dr Michel, Mlle Emma, M. Herbert. « Mlle Dosne est morte hier matin. Elle était âgée de quatre-vingt-trois ans ; depuis plusieurs semaines, l’état de sa santé inquiétait visiblement son entourage. […] Malgré son grand âge, Mlle Dosne avait conservé, en cheveux blancs et robe de deuil perpétuel, beaucoup de grâce et d’élégance. Elle s’exprimait avec une fine et spirituelle simplicité. Ses manières étaient affables, douces. Elle avait le charme très pénétrant de qui a bien vécu sa destinée et achève de vivre en compagnie de nobles souvenirs. »

Elle lègue par testament sa propriété de l’avenue Bugeaud dans laquelle elle a passé ses dernières années ainsi qu’une somme de trois cent mille francs afin que de « vieilles dames sans fortune ou veuves d’officier » vivent paisiblement leur grand âge à l’abri du besoin, la Retraite Dosne.

Mesdames, Dieu a permis que nous menions à bonne fin la création de la Retraite Dosne […], je vous souhaite la bienvenue.

Notre vénérée fondatrice tenait à cet enclos, un peu comme on tient à une terre de famille. Elle l’avait connu en un temps où c’était ici presque la campagne. M. Thiers aimait à venir s’y reposer.

Il y a quelques années, Mlle Dosne fit construire cette maison et, déjà sans doute, elle vous la destinait. Nous avons eu à l’aménager et à vous choisir.

Cette seconde partie de notre tâche n’a pas été aussi malaisée que vous le pourriez supposer. En effet, mesdames, par le service que les vôtres ont rendu, pour vos situations personnelles, par certains liens qui nous ont semblé rattacher plusieurs d’entre vous à cette demeure, enfin – permettez- moi d’ajouter – par la grandeur de vos infortunes, et par la dignité avec laquelle vous les avez supportées, vous nous êtes presque immédiatement apparues, parmi de très nombreuses concurrentes, comme les plus qualifiées pour entrer dans cette retraite.

À la faveur de l’union, qui – j’aime à n’en pas douter – s’établira et se maintiendra entre vous, avec l’aide de notre dévouée directrice, nous nous efforcerons de vous assurer ici une existence telle que Mlle Dosne devait vous la souhaiter en sa maison où nous sommes heureux, mesdames, de vous recevoir.

Cette allocution de Robert Calmon, nommé légataire universel de la défunte et administrateur de la Retraite, ouvre le premier conseil d’administration de la Retraite Dosne, le 9 juillet 1909 ; depuis le 7 juin, l’œuvre « Retraite Dosne » a été reconnue comme établissement d’utilité publique par décret, conformément au vœu de Mlle Dosne, énoncé lors de son testament olographe en date du 25 septembre 1901 à Paris. Six dames pensionnaires sont accueillies dans l’hôtel particulier de l’avenue Bugeaud. « La retraite Dosne, fondée aux termes de son testament par Mlle Dosne, et installée dans l’hôtel de l’avenue Bugeaud, a été inaugurée hier, dans la plus stricte intimité. Les dames pensionnaires ont été reçues par Mme Casimir Perier, Robert Calmon, Me Bazin, membres du conseil d’administration ; le thé a été servi, après quoi la directrice de la maison a fait les honneurs aux dames qui l’habiteront désormais, selon le vœu de la fondatrice. »

La lecture du testament nous renseigne sur ce projet original et généreux dans lequel Félicie Dosne, à la tête d’une belle fortune, s’est investie à la fin de sa vie. Elle y a consacré d’ailleurs un legs important et sa propriété de l’avenue Bugeaud dans laquelle elle a vécu ses dernières années :

De plus, je prescris la création d’une maison de retraite pour de vieilles dames sans fortune ou veuves d’officier affectant à cette Fondation ma maison de l’avenue Bugeaud avec le jardin qui l’entoure, ainsi qu’une somme de 300 000 francs ou même une somme supérieure, si mon légataire jugeait que ce fût utile pour obtenir la personnalité civile nécessaire à sa durée et je laisse en même temps à mon légataire la faculté de relier cette œuvre à une œuvre similaire déjà existante et reconnue capable, en maintenant le nom de Retraite Dosne d’assurer la réalisation de mon désir.

Ces quelques lignes nous éclairent sur les aspirations de Félicie Dosne : donner aux dames qui n’ont pas assez de ressources un foyer hospitalier et accueillant pour leur permettre de vivre paisiblement leur grand âge à l’abri du besoin.

Pour la réalisation de la Retraite, la dotation aux termes des testaments de Félicie Dosne se compose de l’hôtel particulier du 31, avenue Bugeaud, d’une argenterie, de valeurs représentant au moment de la création de la Retraite un revenu net annuel de quarante-sept mille cinq cent quarante- deux francs et de dons et legs. En 1910, s’ajoutent des biens complémentaires mentionnés dans le testament : la somme de 1 011 814,35 francs en rentes françaises 3 %, le droit à la propriété de la rue Dosne, un hôtel particulier situé 60, rue des Belles-Feuilles, dans le XVIe arrondissement de Paris. À partir du mois d’août 1913, s’ajouteront les donations faites par les légataires de la propriété littéraire de divers ouvrages de M. Thiers.

Tout au long de sa vie, Félicie Dosne s’est investie dans des œuvres philanthropiques et des institutions de bienfaisance. Sensibilisée par les misères et les terribles pertes humaines de la guerre de 1870, elle porte assistance et soutien aux plus démunis. Elle fonde une association pour aider les enfants qui ont perdu leur famille pendant la guerre. Devant la pénurie de logements suite à l’ampleur des destructions, elle assiste sa sœur Élise, nommée présidente d’une organisation de secours, et propose des solutions pour venir en aide à ceux qui ont besoin d’être relogés. « Vous nous feriez bien plaisir si vous pouviez nous donner pour aujourd’hui l’état des demandes d’indemnité pour les villages les plus ravagés par l’invasion. Nous avons notre réunion des Chaumières cet après-midi et nous voudrions avoir quelques renseignements sur les localités les plus éprouvées pour la distribution de nos secours.»

Félicie Dosne, très charitable, participe aussi au Bureau de Bienfaisance des XVIe et IXe arrondissements, aux œuvres paroissiales de Saint-Honoré-d’Eylau, à l’orphelinat Sainte-Marie, à l’Œuvre du Pain pour tous, à la Société générale de Protection pour l’Enfance abandonnée ou coupable, Union d’Assistance par le Travail, Croix-Rouge française…

De nombreuses archives attestent de sa participation à la vie locale, en particulier à Gargenville dans les Yvelines où une avenue porte aujourd’hui son nom. Propriétaire du château d’Hanneucourt situé sur les terres de la commune, elle aide le conseil municipal et participe notamment à la création d’un bureau de poste pour lequel elle met à disposition un local dans sa propriété pendant dix-huit années. Au moment où une souscription est ouverte pour un projet de construction de deux ponts à Rangiport, Mlle Dosne s’inscrit en tête de liste pour 5 000 francs. Elle s’intéresse aussi aux enfants et aux malades et lègue par testament une somme de 10 000 francs placée en rente d’État dont le produit doit faciliter l’admission à l’hôpital de Mantes des malades d’Hanneucourt.

Le sort des dames âgées démunies préoccupe particulièrement Félicie Dosne. Dans une lettre adressée à M. Calmon, le 19 août 1872, elle accorde une augmentation de 4 000 francs à l’indemnité qu’elle attribue habituellement à l’asile Sainte-Anne qui se trouve en difficulté. Fondée par M. Daguerre, cette institution a pour mission de soutenir et d’aider les femmes âgées. Elle ajoute qu’elle souhaite « faire admettre une certaine Mme Mellinet dans une maison dite de la Providence, située rue des Martyrs, Paris ».

Souvent sollicitée, elle est déçue de ne pouvoir répondre à toutes les requêtes : « J’en reste là et vous fais grâce de toutes les autres demandes dont je suis accablée. » Son intérêt pour les personnes âgées désargentées et isolées explique tout naturellement son ambition de transformer sa propre maison où elle a passé paisiblement les dernières années de sa vie en une retraite pour dames dans la détresse matérielle.

Force est de constater qu’en ces prémices du XXe siècle, les aides en faveur des personnes âgées sont peu nombreuses même si les choses commencent à évoluer. Pourtant, en ce début de siècle, le concept d’une retraite pour tous progresse en France. Plusieurs textes sont adoptés de 1904 à 1913, en particulier la « loi d’assistance aux vieillards infirmes et incurables » qui est votée en juillet 1905. Les personnes de plus de soixante-dix ans, sans ressources, sont désormais secourues et prises en charge par les communes. Pourtant, cette mesure est insuffisante car la population française vieillit. Sans l’aide de leur famille, sans moyen de subsistance, trop de personnes âgées manquent du minimum nécessaire et tombent dans la plus grande détresse. Lorsque la solidarité familiale fait défaut, le seul substitut reste l’« hospice pour vieillards » et son cortège d’images accablantes : locaux vétustes, salles communes, dortoirs accueillant parfois près de quarante vieillards, nourriture de qualité médiocre. Le sentiment de solitude et d’abandon précipite la fin de vie. Ces lieux sont qualifiés de « mouroirs ». Le mot fait peur mais, faute de moyens, les hospices demeurent un mal nécessaire.

Des aides au logement pour les personnes âgées voient le jour. Certains corps de métiers offrent des participations aux loyers ou des maisons de retraite à leurs membres (par exemple les maîtres tailleurs, bijoutiers et joailliers) ; les mairies des arrondissements parisiens, les paroisses proposent des secours. Certaines fondations privées, encore rares au début du XXe siècle, attribuent des pensions viagères à certains vieillards comme celle créée en 1897 par le baron Gustave de Rothschild en souvenir de sa fille Léonine-Juliette. L’Asile national de la Providence dans le XVIIe arrondissement, ouvert en 1804, reçoit les « vieillards des deux sexes, valides, âgés de soixante-dix ans, qui, par suite de revers de fortune, n’ont plus de ressources suffisantes leur permettant de vivre de façon indépendante ». Les places en chambre particulière y sont payantes.

Il existe des hospices dépendants de l’Assistance publique dont le plus tristement célèbre, l’«hospice de la Salpêtrière» qui comprend 4 097 lits et reçoit les « femmes indigentes, âgées de soixante-dix ans au moins, les femmes incurables, épileptiques, cancéreuses ou infirmes, sans condition d’âge». Cet établissement bien connu depuis la fin du XIXe siècle est le lieu où le docteur Charcot a mené ses recherches sur les maladies mentales, en particulier l’hystérie. D’autres hospices sont privés et reçoivent les indigents comme les Petites Sœurs des Pauvres à partir de 1849, l’asile Sainte-Anne (dans le VIIe arrondissement) pour les femmes à partir de soixante ans, sans infirmité. La pension est adaptée aux moyens, quelques places sont gratuites.

À Paris, deux maisons de retraite privées sont proches de la Retraite Dosne par la sélection des pensionnaires. La Maison de retraite pour dames âgées, 39, avenue de Saint-Ouen, qui fut fondée par des religieuses du Sacré-Cœur de Coutances en 1867, « reçoit sur références des dames âgées, moyennant une pension de 4 à 5 000 francs suivant la chambre occupée, les soins et le régime ». L’hospice de la Société Philanthropique au 166 de la rue de Crimée dans le XIXe arrondissement à Paris, un établissement créé en 1882 et dont la direction est catholique, « reçoit des dames âgées de plus de soixante-   dix ans révolus n’ayant aucune infimité chronique, et justifiant d’antécédents honorables. Les dames sont logées, nourries, entretenues, soignées, inhumées aux frais de la société. Le prix annuel de la pension est de 1 800 francs. »

L’œuvre créée par Félicie Dosne, telle qu’elle l’envisage dans son testament, est donc particulièrement originale puisque aucun établissement, à Paris, n’offre une prise en charge complète et gratuite des pensionnaires dans un cadre et une atmosphère aussi exceptionnels.

Si dans son testament, la fondatrice favorise particulièrement les veuves d’officiers, c’est qu’elle est sensibilisée à leur sort. Sa famille maternelle compte plusieurs militaires : les cousins de Félicie, le général Antoine Charlemagne et le capitaine de frégate Anatole Charlemagne étaient de brillants officiers. Félicie soutient déjà diverses œuvres militaires : « Secours aux militaires malades ou blessés en cas de guerre », à « l’Union centrale des officiers retraités des armées de Terre et de Mer », à la « Société centrale de sauvetage des naufragés ».

Or, en ce début du XXe siècle, les maisons de retraite pour militaires s’adressent à eux, plus rarement à leurs veuves. L’Institution nationale des Invalides, fondée en 1674 par Louis XIV, reçoit « à titre permanent comme pensionnaires des militaires de tous grades des armées de terre et de mer, qui ne peuvent recevoir dans leurs familles les soins qui leur sont nécessaires et, à titre temporaire, les militaires retraités admis à subir des interventions ou des soins spéciaux. Elle relève du ministère de la Guerre. » Dans le XIIIe arrondissement, la maison de retraite des médaillés militaires « offre un abri convenable aux médaillés militaires, à leur femme, ou à leur veuve ; recueille et abrite ceux qui sont tombés momentanément dans la détresse ».

Peu d’institutions sont susceptibles d’accueillir les veuves d’officiers, pourtant leurs ressources sont souvent faibles au décès de leur mari. Selon l’ouvrage de J. Saumur, Pension et Secours, elles reçoivent un tiers de la pension de leur mari (sous réserve qu’elles aient été mariées avec lui deux ans minimum avant la mise à la retraite de l’officier), cette pension est portée à la moitié si l’officier est mort sur le champ de bataille ou des suites de sa blessure. Et si son revenu chute considérablement au décès de son conjoint, une femme bourgeoise ne peut travailler sous peine d’être déclassée : le salariat féminin étant le signe de pauvreté absolue. L’idéal des classes aisées laisse la mère de famille qui s’occupe de son foyer, aidée des domestiques, à l’écart de la sphère publique, si ce n’est à travers les œuvres et les causes philanthropiques ou caritatives.

Une lettre de recommandation à la candidature de Mme Hortense Barbé qui entre à la Retraite Dosne en 1911 nous confirme la vulnérabilité des veuves sans ressources : « Elle a subi bien des vicissitudes. Après avoir été dans l’aisance, et avoir joui d’une existence heureuse, elle s’est trouvée par suite de circonstances malheureuses (les désastres de la guerre de 70, une malchance persistante et les dilapidations d’un fils prodigue) réduite à la misère. La seule joie de sa vie fut une fille charmante qu’elle eut la douleur de perdre à l’âge de vingt ans… Elle reste donc seule car son fils, qui lui est à charge au lieu de lui venir en aide, vit loin d’elle. À son âge, il ne lui est plus permis de travailler et quelle situation d’ailleurs pourrait-elle trouver à soixante-cinq ans ? » À travers les portraits des premières dames pensionnaires, nous reparlerons de ce problème de déclassement.

L’œuvre de Mlle Dosne est donc résolument moderne ; elle montre un réel intérêt pour les dames âgées tombées dans la détresse, au moment où elles ont le plus besoin d’aide et de réconfort. Ayant passé la fin de sa vie dans ce quartier de Passy, verdoyant et agréable, elle offre aux heureuses bénéficiaires la même chance d’être protégées de tous soucis financiers dans un lieu sain et encore bucolique.

Félicie Dosne

Au fil de l’histoire

Les dates importantes de notre fondation

Extrait du documentaire « Les Belles Dames »

Un film de Marion Lippmann et de Sébastien Daguerressar.

Production ©Babel Doc (2019).